Trois mois que j’ai quitté la France. Février a été intense. Vivre chez l’habitant, en échangeant des services contre le gîte et le couvert, nécessite de s’adapter en permanence. A « l’intimité » de chaque famille, mais aussi à ses attentes.
Chez Nat et Tara, qui sont très actifs, j’ai passé six semaines à coudre, peindre, bricoler, nettoyer, jouer … et recommencer. J’ai fait des coussins-hiboux et des rideaux en velours. J’ai peint une salle de bains en turquoise et fabriqué des abats-jours ! Le temps a passé vite, je me suis sentie utile pour ces gens d’exception que sont Tara et Nat. Les quitter a été émouvant.
Le 27 janvier, impossible de prendre mon avion pour Halifax à cause du blizzard. Compte-tenu de la taille des avions qui rallient les USA à cette partie du Canada, je ne suis pas mécontente que mon vol ait été annulé finalement. Avec trois jours de retard donc, je parcours les 1000 kilomètres qui séparent Tamworth de la Nouvelle-Ecosse, où une nouvelle famille m’accueille quelques semaines.
Jenna, avec qui j’ai échangé une « coupe d’e-mails », m’attend à Kentville ; le bus a plus d’une heure de retard. C’est normal. C’est l’hiver ! Un un petit bout de femme souriant sort d’un 4X4 Dodge blanc gigantesque. J’entends « Margaux ? ». Je m’approche. Elle me prend dans ses bras «On est tellement content de te rencontrer !». Je me sens attendue. Quel bel accueil.
Nous allons à Annapolis Royal, à une heure de route. Là, elle et son époux Wes tiennent un mignon petit motel où je serai logée le temps de mon séjour. Il fait nuit. Je ne vois ni l’océan, ni l’hiver. J’ai hâte de découvrir le coin.
Au village, tout le monde se dit bonjour. Sympa. Annapolis une petite ville avec ses nombreux services : restaurants et cafés, banque, boulangerie, épicerie, boutiques, plusieurs structures touristiques, des écoles et même un centre médical avec quatre médecins permanents. Pas mal pour un village à peine plus grand que Rabat-les-Trois-Seigneurs puisqu’ici environ 500 âmes vivent à l’année.
Autrefois terre Micmac, son point le plus haut point culmine (ne riez pas !) à 7 mètres au-dessus de l’océan. L’été est très touristique. Avec ses maisons en bois de toutes les couleurs, ses bateaux qui se balancent entre glace et eau, ses petits vieux au visage marqué par l’iode et le vent, Annapolis me fait penser aux villages des pêcheurs du Grand Nord. C’est drôle de voir ça en vrai !
La Nouvelle Ecosse a pour devise « Canada’s ocean playground » (l’aire de jeux maritime du Canada) et c’est vrai que sa côté déchirée, battue par les vents et l’océan (qui gèle en partie) ressemble à une aire de jeux où la Nature s’en donne à coeur joie. En trois semaines, il est tombé plus d’un mètre de neige sur Annapolis … c’est vraiment impressionnant mais assez vite, tout le monde en a « en criss de cette marde blanche » !!
Wes et Jenna sont bilingues, du coup, de temps en temps on parle français, c’est fou comme ça me fait du bien ! L’autre jour je me suis surprise à trouver qu’il faisait « plutôt bon » à -6°C. En vraie fille du Nord, je rentre du bois et pèle la neige. Et puis, et ce n’est pas banal, j’ai une voisine lettone qui vient prendre le thé parfois, histoire de commérer un peu !!Bref, je suis dans un autre monde. Très loin du modèle Européen. Je commence à peine à mesurer les écarts : consommation, emploi, école … mes repères sautent vraiment.
Impossible pour l’instant de chercher un job. Je bouge trop souvent et j’ai trop d’activités chez les gens qui m’hébergent pour utiliser mon PVT. Plus tard ? Sûrement ! Je prévois d’être à Annapolis Royal encore quelques semaines avant d’aller du côté du Nouveau Brunswick voisin, ou sur l’île du Cap Breton ? Qui sait … ? La suite au prochain épisode.