Margaux janvier 2018, à mon grand père qui rêvait d’être pilote d’avion …
Aujourd’hui il vole au dessus du ciel et il tutoie les étoiles qu’il aimait tant contempler. Je dédie cette newsletter à papy Marcel. Mon grand père chéri qui a inspiré son dernier souffle de vie jeudi dernier dans le doux cocon de son logement provençal près de sa femme, qu’il aimait tant.
Agadir 10-17 janvier
Je marche pieds nus sur le sable de la plage d’Agadir. Le soleil est brûlant aujourd’hui. Aussi brûlant que ce qu’un hiver marocain puisse offrir .. le thermostat affiche plus de 20°C .. Quand je pense qu’il y a 72 heures je tremblais sous les -25° degrés québécois (ressenti officiel -39°C… à cause du vent)
Le ciel bleu est filtré par des teintes beiges. Un ciel de désert, typique du souvenir d’enfant de ma petite mère avec qui je partage ici 7 jours de repos, de douceurs, de miel et d’amandes.
Je marche pieds nus sur le sable et mes pas m’amènent vers l’eau. Vers les eaux. Celles de l’Atlantique. Le courant est fort et les vagues salées ne cessent d’aller et venir sur le sable fin et compact de la plage. Les plus audacieux ont enfilé une combinaison, attrapé leur planche et courent affronter le remous. Les plus farouches se contentent de contempler la scène, de marcher le long du rivage… où ils s’octroient une trêve bercés par le vent et les vagues.
Je marche pieds nus et des histoires d’enfance me reviennent. Les odeurs d’une cuisine délicieusement orientale … Papy préparant le thé à la menthe ; ma grand mère et sa mère prenant à pleines poignées la semoule brûlante sortant d’une première cuisson à la vapeur pour enrober chaque grain d’huile d’olive. Chacun à son tour, ou dans une improbable cacophonie toute méridionale, racontait une version de son quotidien aventureux au Moyen-Orient. On me racontait l’infini désert, les miraculeuses oasis, vertes et fraîches… et les palais magnifiques richement décorés de marbres, de dorures et de cristal. On me peignait, en quelques mots, la couleur des couchers du soleil, l’odeur des épices et la saveur de mets qui régalaient nos repas familiaux.
Je marche… et je pense. Me voilà à l’aurore de mes 25 ans et pour la toute première fois je me trouve sur le continent de naissance de ma grand-mère, de sa mère et de sa mère avant elles. Des générations de vies. Des générations d’histoires. D’histoires et de souvenirs qui me sont forcément familières. Chez moi ça sentait comme ici. Du Raz El Hanout au Paprika. De la coriandre à la menthe. Ça sentait l’Orient à pleine bouffée. Ça sentait la chaleur ; ça sentait le vent. Le désert et l’océan. … C’est simple dans le fond : ça sentait le bonheur !
Maman et moi avons trouvé ici l’appétit oublié et rattrapé le temps perdu. 7 jours pour se retrouver et profiter de l’autre à la frontière du désert majestueux et de l’infini océan. Une semaine loin de tout mais près de toi et Dieu que le temps fut doux à tes côtés maman.
Sans transition aucune après cette semaine de douceurs orientales, il fut temps de quitter Agadir, et c’est un taxi très couleur-local qui nous conduisit vers l’aéroport Al-Massira nous offrant, du même coup, une dernière suée par sa conduite très… intuitive. Il suffit de trois heures pour passer de l’explosion de couleurs du Maghreb aux multiplies nuances de gris de la région parisienne. Mais Paris ne sera qu’une étape.
Maman me quitte là, elle rentre dans le Sud ; moi, c’est mon frère Cédric que je retrouve à la capitale.
Orly bus bondé, Métro Denfert Rochereau surchargé puis le RER B vers Paris CDG. Nous quittons l’hexagone destination Londres. Dans l’aéroport de Gatwick nous trouverons une fontaine pour nous hydrater, une banquette pour nous reposer une courte nuit sous les néons et les écrans des départs/arrivés. 03h30 : fin de la nuit.
Nous passons sécurité et douane. Il nous reste 1 vol. Un cap.
Islande 18-25 janvier
Tu commences à me connaitre maintenant. Nous partons mais nous n’avons rien prévu. Prévoir c’est planifier. Planifier c’est tricher. Nous n’avons pas de d’idées préconçues en tête, par contre on sait déjà que nous fuirons les lieux touristiques. Seul notre instinct nous guidera le long de la route 1. Si ça nous plait à gauche, c’est là qu’on ira, sinon on continuera tout droit sur la Route d’Or. Les kilomètres défilerons sous nos yeux et seules les routes fermées ou trop enneigées seront un obstacle.
Depuis le hublot de notre avion c’est un paysage lunaire qui défile sous nos yeux. Du blanc. Du blanc. Puis une route, noire. Un pays en monochrome en somme -Il semblerait qu’ici les couleurs n’apparaissent que dans les cieux-
9h36 : notre avion se pose sur le tarmac de l’aéroport de Keflavik. Il fait nuit noire. L’air est glacé. Nous découvrons la petite citadine aux pneus cloutés que nous venons de louer pour une semaine. Cédric enchaîne sa deuxième journée sans sommeil. Nous avons les yeux marqués, les traits tirés et des envies de découvertes et d’aventures qui tiraillent nos entrailles et nous prennent là… au fond du bide. Partir. Partir. Partir et découvrir. La neige est fraîche sur les bas-côtés. La route est parfaitement praticable. Le temps est fabuleusement beau.
Nous sommes prêts. Direction plein Nord. On récupère quelques victuailles locales sur la route, quelques brochures et un plan de la ville, puis du pays par région. L’itinéraire n’est pas encore très clair ; il se dessine au fur et à mesure. De quoi d’autre avons-nous besoin au final ? Rien de plus que nos pieds pour nous porter et notre mémoire pour se souvenir de ce que nos yeux observeront.
Demain nous passerons un moment à Reykjavik, la capitale la plus au Nord du monde -T’imagines il y a un an et demi j’étais aux antipodes, à Wellington, la capitale la plus au sud du monde- Reykjavik héberge 60% de la population islandaise, c’est LA grande ville du pays. Avec ses maisons colorés, ses immeubles au pied de l’Océan et les montagnes de l’Esja en fond, c’est une carte postale grandeur nature… une surprenante étape sur notre trajet. Très vite nous traçons sur la route 1 que nous ne quitterons presque plus jusqu’à Akureyri, à environ 400 kilomètres de l’endroit où nous nous sommes réveillés ce matin.
Le jour suivant, nous passons le 66è parallèle Nord. Oui, là-haut, tout en haut de la carte. Cédric et moi regardons l’horizon… Au loin, c’est le cercle arctique. Quasiment à portée de main. Mais pour l’atteindre, ou presque, il faudra affronter -23°C , le vent, la neige, le verglas et les congères sur la route. Sois en certain, rien ne pourra nous dérouter de notre objectif : aujourd’hui, c’est écrit, nous longerons l’Eyjafjörður, le plus long fjord islandais avec comme unique cap Siglofjörður à moins d’un quart de degré du Cercle Polaire. Le ciel est bas. Le ciel est blanc. La route est longue. Elle est blanche, elle est glacée. l’Eyjafjörður est majestueux autant par la force de ses vagues que par son courant et ses couleurs d’un bleu-gris profond. Quelle merveilleuse journée.
1 semaine, 1 800 kilomètres. 7 jours, 7 facettes… Cette semaine fut aussi douce qu’une poésie.
Nous quittons les terres de glace. Nous quittons le dépaysement blanc. 3 heures d’avion jusqu’à Gatwick, 2 de plus pour rallier Toulouse. Le retour est interminable. Il y a 6 mois c’est ici que nous nous étions quittés alors que je partais pour le Canada. Aujourd’hui j’y retrouve ma mère que j’ai quittée il y a une semaine et mon père que je n’ai pas revu depuis 6 mois… Encore 1h30 sur l’A64 jusqu’à Pau et nous pourrons nous poser. Quelques jours. Bientôt, un nouvel environnement et de nouvelles aventures qui m’attendent en plein coeur des Alpes.
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