Un portrait hâtivement esquissé présente les Néo-Croisés: catholiques, Ariégeois d’origine, « braves gens » qui sont nés quelque part (Brassens), animés d’une exaltation dévote consistant à planter des croix christiques au sommet des montagnes. Comme ils se considèrent propriétaires exclusifs de ces lieux élevés, ils ne souffrent pas la présence d’autres signes que le leur : seul le signe de la croix a droit de cité, mais pas le signe de la vulve qui est pourtant un signe de fécondité dont l’existence remonte à des périodes bien antérieures au christianisme.
Le plus virulent des Néo-Croisés se nomme Jean Fauroux, prêtre catholique « amoureux de la montagne« , membre du CAF (Club Alpin Français); son allié, Michel Sébastien, est davantage un homme d’action qu’un prêcheur. Avec un groupe d’amis « motivés », Les Amis du PNR (Parc Naturel Régional) c’est lui qui se charge de planter les croix, de veiller à leur entretien et d’effacer ou détruire tout ce qui alentour pourrait leur faire concurrence, en l’occurrence… les signes vulvaires gravés par Claudius de Cap Blanc.
On voit d’abord que dans ce tableau local deux conceptions de l’espace s’affrontent: les autochtones-cléricaux revendiquent la propriété exclusive des lieux tandis que l’«intrus» pense que l’espace est à tous. Les premiers reprochent au second d’imposer le signe de fécondité à tous alors qu’eux-mêmes imposent leurs croix et sont par surcroît en flagrante violation des lois sur la laïcité qui interdit « les signes religieux ostensibles » dans l’espace public.
Claudius de Cap Blanc est considéré par les Nèo-Croisés comme un païen, un hérétique, un profanateur, et bien d’autres adjectifs, mais toujours de loin. Jamais les Néo-Croisés ne se hasardent à le fustiger publiquement, de même que dans leur opération de « purification de la montagne » ils n’agissent jamais au grand jour, plutôt dans l’ombre, en catimini, « pour ne pas faire de publicité » (c’est le mot d’ordre de la troupe qui montre qu’elle ne tire aucune fierté, aucune gloire de sa croisade que d’aucuns appellent la « Croisade des Ariégeois », avec une pensée pour l’autre, plus ancienne, celle des Albigeois qui, au XIIIe siècle, purifia le pays de cette minorité hérétique, les Cathares, dont la présence était insupportable à l’Église de Rome. Aujourd’hui c’est un petit signe fait de trois traits gravés sur la roche qui est insupportable aux descendants ataviques de l’Ordre des Prêcheurs.
L’exposition montre les signes de fécondité victimes de vulvicide par ensevelissement au ciment. (On mesure la motivation des Néo-Croisés qui n’hésitent pas à grimper jusqu’à 2800 m d’altitude avec, dans leur sac à dos, truelle et ciment pour effacer l’injure faite par ces signes à la montagne et à la croix. Toute proportion gardée les destructeurs des Bouddhas de Bâmiyân n’étaient pas moins motivés et procédaient de la même intolérance – qu’on retrouve chez le Maître : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi » (Évangile de Matthieu, 12: 30).
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