Je sais que je m’apprête à faire un long voyage. 4 250 kilomètres à travers les Etats-Unis, C’est un peu comme si je faisais Foix-Moscou, et qu’arrivée sur la place Rouge il me restait encore 700 km à faire pour arriver à destination. Je passe 88 heures dans un bus Greyhound où je perds très vite tous mes repères. Je ne sais plus quelle heure il est ni quel jour nous sommes.
New-York State, la Pennsylvanie, l’Ohio, l’Indiana, l’Illinois, le Missouri, le Kansas, puis enfin, le Colorado.
Nous quittons New York City, la plus grande ville des Etats-Unis pour le Midwest, son humidité étouffante et ses paysages verts et vallonnés. Nous traversons le Kansas, ce « no man’s land » qui abrite champs d’éoliennes, puits de pétrole, fermes et ranchs souvent abandonnés.
D’Est en Ouest, je traverse 8 Etats, littéralement collée à la vitre, je ne perds pas une miette des paysages qui défilent sous mes yeux. L’asphalte fait place aux vallées puis au désert. C’est incroyable. Nous roulons des centaines de kilomètres sans croiser la moindre vie humaine. Puis le Colorado, enfin ! Ici, la terre est rouge, les routes suivent les rivières naturelles qui se sont frayées un chemin à travers de fabuleux canyons aux parois abruptes. Une petite brise rafraichit le corps ; l’air est chaud et sec. Nous sommes à 1700 mètres d’altitude et depuis ma nouvelle maison, je vois le Mont Waas et le Manns Peak qui culminent à plus de 3800 mètres et qui marquent la frontière naturelle avec l’Utah à quelques kilomètres seulement. Je découvre également les Pétroglyphes, ces dessin gravés dans la pierre qui auraient entre 5 et 10 000 ans ! Leur précision est incroyable de signification.
Je pose mes valises dans l’arrière pays, loin des routes touristiques, dans l’Ouest. Le vrai. Danny et Shirley m’accueillent comme un membre de leur famille. Je partage avec eux une petite semaine avant leur départ en vacances. Une semaine intense, Shirley se charge de m’expliquer mes prochaines tâches (m’occuper des chiens, du chat, des moutons, du potager et de la maison), le congélateur est rempli de nourriture et le potager bio (traversé par des serpents à sonnette …) produit des légumes à foison. Danny lui, l’enfant du pays, se charge de me montrer les alentours, il m’a appris aussi à conduire son pick-up, à reconnaître le bruit du serpent à sonnette et m’a mise en garde contre les ours bruns qui rodent dans le coin … C’est plus viril ! Il m’initie aussi au tir au fusil. En plein désert. Comme dans les films. Pourquoi ? Parce que Nucla est l’une des rares villes des Etats-Unis à avoir un décret municipal stipulant qu’il est obligatoire de posséder au moins une arme à feu pour «protéger la sécurité et le bien-être général de la ville et de ses habitants ». Non non, ce n’est pas un blague ! Danny est un ancien Marines et il possède une trentaine d’armes. Et oui !! C’est aussi ça l’Amérique.
La semaine passe vite et il est déjà temps pour Danny et Shirley de s’envoler pour des vacances bien méritées. Pour une fois le scénario change : c’est moi qui dépose mes hôtes à l’aéroport ! C’est un comble non ? Ils partent à plus de 10 000 kilomètres pendant 3 semaines et me laissent leur maison avec tout ce que ça implique : leurs animaux, leurs voitures, les clés de leur boite-aux-lettres, leurs papiers, leurs armes et leurs souvenirs les plus précieux, leur ordinateur est en libre accès et tous les biens acquis tout au long d’une vie sont là, rien est verrouillé … Et ce n’est pas tout. Avant de partir Shirley a fait le nécessaire pour que je puisse facturer le compte qu’ils ont à l’épicerie de la ville si jamais j’avais besoin de quelque chose. Elle m’a également donné 300 $ « pour les chiens … ou pour remettre de l’essence » dans la voiture qu’il me laissent à disposition.
Ces relations que je créé avec mes hôtes sont clairement basées sur l’honnêteté et la confiance mutuelles. En cette période où « l’étranger » nous questionne, je me demande : Ne suis-je tombée que sur des personnes exceptionnelles pour être aussi ouvertes et généreuses envers moi, étrangère à tous points de vue ? Et moi, serais-je capable de faire la même chose dans une situation comparable ? Ici, en tous cas, je ressens vraiment la confiance que me témoignent ces inconnus… et c’est comme si nous l’étions moins.
Je sais déjà que le Colorado abrite une multitude de beaux endroits à découvrir. L’Utah qui n’est finalement qu’a quelques kilomètres est aussi plein de promesses et puis pourquoi ne pas faire un tour en Arizona et dans le Nevada voisins ?
De belles choses m’attendent encore sur la route. La suite au prochain épisode !
[callout]Kilomètres parcourus depuis le 30 octobre 2014 : 18885 kms
6813 en avion
7690 en bus
789 en train
3591 en voiture[/callout]