Première des quatre représentations de cette opération avec « Une mouette »d’Anton Tchékov.
Elles sont cinq, elles nous regardent, elles nous racontent une histoire, cela s’appelle « Une mouette ». Pas n’importe quelle mouette mais « La mouette » de Tchekhov, une pièce, mainte fois montée de par le monde. C’est cette pièce qu’elle nous relatent comme un récit.
La pièce compte une dizaine de personnages. Les cinq actrices ne jouent pas plusieurs rôles, mais tous les rôles même si telle ou telle est plus tel personnage que d’autres, sans cependant jouer comme à l’accoutumée. Ensemble, elles nous racontent la pièce comme si c’était une histoire de famille, des moments de vie dont elles ont été les témoins directs et par instants fulgurants, les protagonistes.
Ceux qui connaissent la pièce, reconnaissent « La mouette », peut -être la plus connue des œuvres d’Anton Pavlovitch Tchekhov, ils ont l’impression d’en approcher des faces cachées. Et ceux qui ne connaissent pas la pièce suivent, en haletant, ce qui va se passer entre les personnages. C’ st là un parti pris osé et un pari tenu avec délicatesse par cinq belles actrices. Ce qui nous semble un pari audacieux est d’abord une lumineuse intuition dont la fécondité innerve « Une mouette », une intuition de l’actrice Isabelle Lafon qui signe la mise en scène. Le cœur battant de Tchekhov c’est le récit, nous suggère son spectacle.
La mouette se passe dans une propriété provinciale au bord d’un lac
Isabelle Lafon et ses partenaires n’ajoutent pas une phrase à la pièce de Tchekhov. Tchekhov, ne se contente pas de décrire les lieux, il nous y entraîne, nous met dans l’ambiance, parle d’ deurs, de sons (clochettes, coups de marteau, toux) comme aux premières lignes d’un de ses récits.
Arkadina, actrice célèbre, passe l’été avec son amant, l’écrivain réputé Trigorine, dans la maison de campagne où son fils Treplev fait jouer à Nina, qu’il aime, son texte d’avant-garde. De l’amour il y en a beaucoup mais il n’est jamais réciproque. Medvedenko, l’instituteur, est amoureux de Macha, la fille de l’intendant, qui aime Treplev qui n’a d’yeux que pour Nina, laquelle désire Trigorine.
En chef d’orchestre, Isabelle Lafon endosse le rôle d’Arkadina et donne le tempo.
Avec une économie de gestes saisissante, chaque comédienne assume sa partition avec fébrilité et nous tient en haleine. Aucun déplacement sur scène si ce n’est, entre chaque acte, un pas collectif fait en avant pour changer de focale et permettre le gros plan. Par la proximité du jeu, le spectateur entre dans la magie et la puissance de l’œuvre.
La Mouette ainsi entendue est une histoire simple, une fable du désir et de l’émancipation.
Cinq actrices en présence, vibrantes, authentiques, infiniment proches de nous, chœur de femmes à l’unisson laissant entendre la voix unique de chacune ; elles sont tout simplement remarquables.
Elles ne cherchent pas à se draper d’un rôle, à jouer un personnage, mais elles sont là, pleinement, alignées devant nous telles des mots sur une page.
Il y a l’ouverture de leurs regards, la lisibilité de leurs paroles, leur capacité à « servir » admirablement cette « Mouette » qu’on ne se lasse jamais de côtoyer à nouveau.
Entendre “La Mouette” plus que de l’écouter. Juste entendre autrement. Désembourber la pièce de son imagerie. Rendre à ce drôle d’oiseau sa liberté. Tant pis s’il nous échappe…”
Isabelle Lafon
par la Compagnie Les Merveilleuses – Isabelle Lafon
Mardi 26 et mercredi 27 novembre à 20h45 à l’Estive de Foix
Prochaines programmations :
MÉNÉLAS RÉBÉTIKO RAPSODIE
écrit et mis en scène par Simon Abkarian
dimanche 19 janvier 2014 à 17h à l’Estive de Foix
TAMBOURS DANS LA NUIT
de Bertolt Brecht, mis en scène par Dag Jeanneret
mardi 4 février à 20h45 à l’Estive de Foix
LES DAMNÉS DE LA TERRE
d’après Frantz Fanon, mis en scène par Jacques Allaire
mardi 11 février à 20h45 à l’Estive de Foix
Renseignements et réservations au 05.61.05.05.55 /www.lestive.com
Crédit photo : René jacques