Environnement

« Sécuriser » et augmenter la capacité de stockage de Montbel : la réponse des associations environnementales

Suite à une Conférence de Presse le 7 novembre 2017 à propos de  « Sécuriser » et augmenter la capacité de stockage de Montbel par prélèvement sur le Touyre, Les APNE (Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement) et des collectifs citoyens communiquent : 

Le Projet porté par le Conseil Départemental de l’Ariège ( nous l’avons rencontré en mai dernier ):

Se substituant ( ?!) à l’IIABM (Institution Interdépartementale de l’Aménagement du Barrage de Montbel), le Conseil Départemental a initié une démarche de réapprovisionnement en eau du barrage de Montbel par prélèvement sur le Touyre.

Il a engagé des études pour :

  • sécuriser le remplissage du barrage par un apport supplémentaire à partir du Touyre, de 10 à 17 Mm3 annuels
  • soutenir l’étiage du Touyre et du Countirou si besoin par retour d’eau de Montbel via la canalisation d’amenée,
  • augmenter la capacité de stockage du barrage en relevant la ligne d’eau de 50 cm, ce qui correspond à 3 Mm3 supplémentaires.

Il affirme la volonté :

  • de maintenir un débit réservé suffisant pour la vie aquatique à l’aval de l’ouvrage de prise d’eau (3 fois l’obligation légale du 1/10ième du module interannuel soit 600 l/s)
  • d’assurer la qualité de l’eau entrant dans le barrage par des analyses en temps réel des volumes prélevés
  • d’assurer le développement de filières locales de maraichage, qui manquent cruellement, et favoriser les circuits courts dans le Pays d’Olmes.
  • Volonté de transparence de l’institution départementale sur ce dossier.

Le Président insiste sur la maitrise d’ouvrage du CD09 qui garantit, selon lui, la maitrise totale des usages et des investissements complémentaires qui seront réalisés. Il précise que les règles de répartition, les usages, les surfaces irriguées et les m3 attribués resteront identiques : « il n’y aura pas de volume supplémentaire ni de surfaces irriguées en plus ». Le coût est estimé entre 8 et 10 M d’euros.

Notre point de vue 

Tout d’abord, débarrassons-nous d’éléments de langage bien trompeurs : 

Le barrage de Montbel n’est pas un barrage destiné au soutien d’étiage comme cela est régulièrement présenté. C’est, comme toutes les retenues de substitution, une retenue servant à compenser les prélèvements agricoles d’irrigation. Lesquels prélèvements sont massivement faits dans les mois d’été et représentent 80% de l’utilisation de l’eau dans ces périodes sensibles.

Pour preuve, sur les 70 à 75 millions de m3 transitant dans Montbel, seuls 7 millions sont destinés au réel soutien d’étiage à partir de septembre. Et encore, s’il en reste dans le barrage.

Qu’on ne nous fasse pas régulièrement pleurer, photos à l’appui, sur le « désolant » spectacle d’un lac à sec. C’est la nature même de ces investissements que d’être utilisés et donc d’avoir des marnages très importants, barrages pleins en juin, vides en octobre. Si non à quoi bon.

Les associations désapprouvent totalement ces politiques de stockages intensifs, de suréquipement des cours d’eau et la vision consumériste de l’eau qu’elles induisent.

Avec plus de 320 millions de m3 stockés entre montagne et piémont, soit l’équivalent de « 3 Charlas », notre département contribue déjà grandement depuis de nombreuses années à l’effort régional et national : hydroélectricité, irrigation, soutien d’étiage. Il est le premier contributeur au soutien d’étiage interrégional Adour Garonne. Sous peine de ne pas atteindre les objectifs du « bon état écologique des eaux » et pour assurer une gestion équilibrée de la ressource, il est temps pour notre département de réorienter les politiques de gestion quantitative vers une gestion moins gourmande, plus économe et de moindres stockages d’eau.

La vision purement marchande, au profit quasi exclusif de quelques lobbies agro-industriels, ne peut qu’exacerber les conflits d’usages et impacter durablement des milieux aquatiques déjà malmenés. Alors que l’objectif devrait être d’aboutir à des gains conséquents sur les consommations d’eau en favorisant toutes les reconversions et adaptations utiles, c’est la fuite en avant qui nous est proposée. Il est plus que temps de remettre en question cette agriculture productiviste, excessivement gourmande en eau, en produits « phyto », insecticides et pesticides, et en engrais chimiques nocifs. Dans nos plaines agricoles d’Ariège, pas une goutte d’eau n’est indemne de nitrates et de glyphosate, entre autres.

Le changement climatique ne doit pas être un prétexte. Il est temps d’adapter nos comportements et nos productions et non de poursuivre ce qui participe des désordres environnementaux.

Les APNE et collectifs citoyens constatent que le CD 09 et non l’IIABM, dont pourtant cela devrait être le rôle, envisage de réaliser tout seul les investissements pour prélever, par captage sur le Touyre, les 10 à 17 Mm3 supplémentaires annoncés pour 8 à 10 Millions d’euros.

Au-delà de l’enrobage environnemental déclaré, figurent en bonne place des raisons cachées comme celle de délivrer plus d’eau et d’irrigation à l’Aude et la Haute Garonne – étrangement absentes du débat – par l’intermédiaire de l’adducteur du Lauragais. Lequel alimente la Ganguise. Or, la capacité de la Ganguise a été doublée, elle est passée de 22 à 44 millions de m3 ces dernières années. C’est d’ailleurs depuis cette rehausse, en 2008, que les problèmes de remplissage de Montbel nous sont si régulièrement évoqués.

La convention qui lie l’IIABM à la Ganguise impose de livrer à ce barrage 26 millions de m3 sur les 60 transitant à Montbel, 18 en hiver et 8 en été, ce qu’il n’a jamais fait (Convention du 26/60ième des eaux dérivées). Reste donc pour l’Ariège 34 Mm3. Autant dire que l’idée d’avoir 60Mm3 stockés dans le barrage en début d’été, à destination des agriculteurs ariégeois, est depuis toujours absolument irréaliste car cela supposerait que l’Hers fournisse plus de 86 Mm3. Or, dans ses meilleures années, l’Hers n’a jamais pu apporter qu’un maximum de 70 à 75 millions de m3. On est donc loin d’une surprise due au changement climatique ! En fait c’est structurel et la seule solution c’est de faire avec.

En plus, on demanderait aux contribuables Ariégeois, qui n’ont rien à voir avec l’utilisation de ces réserves d’eau, de payer, outre la facture environnementale, la facture financière.

Des désordres écologiques forts :

Les APNE et collectifs citoyens prennent acte de l’engagement de maintenir un débit réservé dans le Touyre supérieur à l’obligation légale et de le soutenir en période de crise. Toutefois, ce débit reste très voisin du débit d’étiage minimum du Touyre (647 l/s en valeur moyenne mensuelle). Ainsi, le cours d’eau resterait en quasi permanence à ses débits les plus bas. Et sur des débits aussi appauvris dans le tronçon court-circuité, les effluents des stations d’épuration de Laroque d’Olmes et de Léran perturberont fortement les milieux.

D’autre part, nous faisons ressortir qu’il existe déjà un très long linéaire de l’Hers Vif en difficulté. Sur son tronçon court-circuité sur plus de 17 kilomètres, les débits réduits à 1 m3/s perturbent les écosystèmes qui peinent à maintenir une vie biologique normale. La présence de nombreuses stations d’épuration (5)* fait de ce linéaire un concentré d’effluents résiduels.

Avec une prise d’eau installée sous Laroque d’Olmes, le Touyre comme l’Hers, sera amputé définitivement sur plus de 13 km d’une eau qui lui fait déjà cruellement défaut, le privant ainsi des crues moyennes utiles à son équilibre naturel et à sa reconquête.

La qualité des eaux du Touyre, même si elle s’est améliorée ces dernières années, reste dangereuse et peut contaminer durablement les fonds du barrage de Montbel malgré les mesures de précautions annoncées. De tout le secteur du Pays d’Olmes, le Touyre est la
devrait même pas ouvrir les vannes d’arrivée…
Ainsi risquent d’être remises en question les activités nature présentes sur le Lac, baignade, activités nautiques et aquaculture bio.

Le barrage lui-même, étudié pour contenir 60,5 millions de m3 pourrait devenir, avec 3 Mm3 supplémentaires, une menace pour les populations aval. Sa ligne d’eau, rehaussée de 50cm en moyenne peut déstabiliser ses berges et remettre en question les équipements touristiques ou autres déjà réalisés.

De nombreuses questions restent aussi sans réponse :

* rien ne garantit que le Touyre et le Countirou seront réalimentés selon leur besoin, car rien n’est dit sur les seuils d’étiages déclencheurs de la réalimentation annoncée,

* le débit réservé annoncé à 600 l/s laisse le Touyre dans un état d’étiage permanent et le CD09 évoque une « étude complémentaire qui pourrait affirmer qu’un débit de 400 l/s pourrait suffire » !

* au final le remplissage de Montbel se solde par l’augmentation importante du linéaire de cours d’eau court-circuité qui passe de 17 à 30 km, Touyre et Hers confondus.
seule rivière qui est classé de mauvaise qualité selon les études faites dans le cadre du PAOT (Plan d’Action Opérationnel Territorialité) du bassin versant dans au titre de la DCE.

On y retrouve des chloroalcanes*, des phtalates*, du mercure, des perchlo et trichlorétylènes de triste mémoire en Ariège. Un automate, qui serait censé arrêter l’eau polluée entrant dans le lac de Montbel, ne
Pour nos Associations et collectifs citoyens, il est urgent d’impulser une réflexion globale sur la reconquête de milieux aquatiques de qualité qui, sans exclure l’optimisation des ouvrages existants, passe par un moratoire sur toute politique de stockage ou d’équipement supplémentaire sur nos cours d’eau.

Foix le 7 novembre 2017

* de la prise d’eau à l’aval immédiat de la station d’épuration du Peyrat jusqu’à la restitution de Montbel avant Camon, 5 stations se succèdent sur 17 km : Ste Colombe, Rivel, Chalabre, Sonac / l’Hers, Camp-Limoux

* chloroalcanes : chlorures d’alkyle ou paraffines chlorées, ce sont des produits souvent très stables dans l’environnement où ils peuvent s’être accumulés et/ou être bio-concentrés par certaines espèces.

* phtalates : sont couramment utilisés comme plastifiants , ils peuvent persister longtemps dans certains milieux comme le milieu aquatique où ils vont se mélanger aux sédiments, ce qui rendra plus difficile leur dégradation en milieu aérobie.

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